Je ne suis pas du genre à être anxieux. Pourtant, dans cet avion qui survole l'océan en direction de Pretoria, je sens une angoisse sourde se nicher dans ma poitrine. Ce n'est pas le voyage qui m'inquiète, non, heureusement pour moi je n'ai jamais crains aucun moyen de transport. Pour comprendre la raison de ce malaise, il faut remonter quelques jours en arrière. C'était l'anniversaire de Birdie, ma fiancée et à cette occasion, j'étais en train de chercher ce qu'on pourrait faire pour « marquer le coup » comme on dit. Depuis que notre relation est sérieuse avec Birdie, tous les ans, son frère et moi lui organisons quelque chose pour fêter l'événement. C'est censé être une surprise à chaque fois, mais quelque chose me dit que Birdie se doute de quelque chose bien avant qu'elle découvre sa surprise. Bref, ce jour-là donc, j'avais enfin trouvé quelque chose d'intéressant à faire et je voulais appeler mon beau-frère...enfin futur beau-frère pour lui communiquer mon idée et lui demander son avis, après tout, peut-être avait-il trouvé quelque chose lui aussi. Seulement, petit problème, j'avais oublié mon portable chez moi. J'avoue que je suis un peu tête en l'air pour ce genre de choses, j'étais donc bon pour rentrer à la maison le chercher.

Lorsque j'arrivais à mon domicile, Birdie était assise dans le canapé, on voyait bien que cela n'allait pas très fort et même si elle ne pleurait pas, il ne fallait pas être un génie pour deviner qu'elle venait d'apprendre une mauvaise nouvelle. Je m'assis donc à côté d'elle et lui demandait ce qui se passait. Elle m'appris que son père venait de décéder. Elle fit ses bagages le soir même et parti pour Pretoria afin d'assister à l'enterrement en compagnie de son frère. Je lui avais dit que je m'occupais de prévenir son travail et que je ferais ce que je pourrais pour la rejoindre, malheureusement, une opération très importante me retint à la dernière minute et je ratais donc l'enterrement de mon beau-père. Je me sentais mal même si je savais que Birdie ne m'en voudrait pas, elle connaît ce métier, elle sait que lorsqu'on l'exerce on ne s'appartient plus vraiment.

Quoi qu'il en soit, lorsque j'eus terminé cette opération, il ne me fallut pas longtemps pour décider de les rejoindre elle et son frère, je ne voulais cependant pas qu'elle le sache aussi j'appelais Jonah pour lui demander de venir me chercher à l'aéroport en insistant bien sur le fait qu'il ne devait pas avertir Birdie de ma venue. Je suppose qu'il a dû trouver cela étrange, mais je ne pense pas qu'il s'en formalise. En même temps, je ne sais pas trop quoi penser. Entre Jonah et moi ce n'est plus vraiment ce que c'était, je m'explique, lorsque Birdie nous a présenté, on s'est tout de suite bien entendu lui et moi, tellement bien que...comment dire, je me sentais bizarre en sa présence, j'avais froid, mais en même temps je sentais une douce chaleur parcourir mon corps, j'avais l'impression d'avoir des bestioles dans le ventre. Ce qui est étrange c'est exactement ce que je ressens quand je suis avec Birdie. Elle je sais pourquoi, c'est parce que je l'aime, tout simplement, mais pour Jonah, ce n'est pas cela, non je ne suis pas amoureux de lui, je n'éprouve aucun désir pour les hommes. Bref, tout ça pour vous dire que lorsque nos peaux viennent à entrer en contact accidentellement, à chaque fois, cela ne rate jamais, j'ai un mouvement de recul. Mon beau-frère est homosexuel, je n'ai rien contre, après tout c'est sa vie et ce n'est pas pour cela que je me recule à chaque fois. Malheureusement, il le prend très mal et comme je ne donne jamais d'explication rationnelle à ce genre de comportement, ce genre de moment fini toujours relativement mal. Plus le temps passe et plus notre relation se détériore, pourtant ce n'est pas ce que je cherche. Je sais que cela me blesserais si un jour il ne voulait plus me parler.

Pour l'instant, nous n'en sommes pas là. Tandis que j'étais perdu dans mes pensées, l'avion avait continué sa route et nous arrivions enfin à destination, l'appareil se posa et tous les passagers purent débarquer, je me hâtais d'aller récupérer mes bagages, enfin surtout mon compagnon de voyage qui avait dû faire tout le trajet dans la soute. Et oui, je n'y peux rien s'ils n'acceptent pas que les chiens viennent avec leurs maîtres. En réalité, c'était le chien de Birdie, la pauvre bête désespérait de ne plus voir sa maîtresse alors je me suis dit que je pouvais l'emmener avec moi, après tout, je ne savais pas vraiment combien de temps nous allions rester ici.

Une fois que j'avais récupéré le chien et les bagages, je cherchais Jonah du regard et je ne mis pas longtemps pour le trouver. Il ne m'avait pas encore vu, je me dirigeais donc vers lui. Chemin faisant, je ne pouvais m'empêcher de l'observer. Ne me demandez pas pourquoi, moi-même je l'ignore, c'est vrai qu'il est beau, mais ce n'est pas une raison. En cette dure période pour lui, j'aurais pu le serrer dans mes bras pour lui offrir un peu de réconfort, mais quelque chose me disait qu'il n'aurait pas compris ce geste et puis, je ne voulais pas qu'il y ait plus de malentendus entre nous. Je tendis donc ma main dans sa direction en esquissant un petit sourire.

- Bonjour Jonah, c'est gentil d'être venu me chercher.

Je n'allais pas lui poser la question idiote qui consistait à demander si cela allait bien. Il venait de perdre son père, bien sûr qu'il n'allait pas bien.